Peterson Antenor

Dix ans après, on n’a pas su réinventer l’avenir en Haïti

Il n’est pas nécessaire d’avoir connu Port-au-Prince d’avant le séisme dévastateur du 12 janvier 2010 pour constater – même sans l’analyse d’un psychologue – qu’elle ne s’est pas encore relevée de ce traumatisme aigu. L’effet de son passage reste visible jusque dans les entrailles du pays.

On le voit en sillonnant les quartiers du centre ville et l’emplacement du palais national resté intact, comme pour prouver au temps sa force destructrice. Il est aussi lisible sur les nombreux visages de ces haïtiens qui n’ont pas pu rebondir. Le séisme de 2010 marque profondément la société haïtienne d’aujourd’hui. Comme le pense plus d’un, il traduit un tournant majeur dans notre histoire de peuple.

Lors du drame, je ne vivais pas encore à Port-au-Prince mais à Jacmel, la troisième ville la plus touchée. Ce mardi-là, à 4h53 de l’après-midi, nous étions devant la télévision lorsque la terre s’est mise en colère. J’ai vite compris que c’était un tremblement de terre et tout à coup on s’est mis à courir ensemble. Effarés, on ignorait notre destination. Nos cerveaux nous ont simplement intimé l’ordre de fuir la fureur de la terre. Après les quelques secondes des premières secousses,  je me disais que j’avais trouver une bonne histoire à raconter à mes potes du lycée. Je n’avais pas encore mesuré l’ampleur des dégâts.

https://twitter.com/mondoblog/status/1216313874766389249

À ce moment-là, je ne savais pas que plus tard dans l’après midi je verrai ces images qui allaient prendre place définitivement dans ma tête: ce vieillard piégé par une masse de béton sous sa galerie, la bouche humectée de sang, les efforts d’une famille pour sortir une des leurs piégées sous les décombres, les corps déchiquetés des étudiants de l’Université Moderne d’Haïti, les centaines de gens réfugiés sur la place Toussaint Louverture dans la soirée, les voisins empilés dans la rue devant chez moi, les ‘Jésus ! Jésus !‘  à chaque secousse… Cette nuit a été une des nuits les plus horribles de ma vie.

12 janvier, le jour où tout a basculé

Ici, absolument tout a basculé. Mais pas fondamentalement à cause du tremblement de terre. Celui-ci n’a fait selon moi qu’accélérer le processus d’une totale désarticulation, mettant à nu toutes les structures sociales existant dans le pays.

D’abord la famille. Elle n’a pas su comment protéger ses enfants en construisant des maisons qui allaient se transformer plus tard en tombeau. En plus, elle s’est trouvée dans l’incapacité d’éviter à leurs petites filles d’être violées et aux petits garçons de se noyer dans la délinquance. Sous les tentes, beaucoup de familles n’ont pas été le cocon de bienveillance et de sécurité qu’elles devraient être.

Il en est de même pour l’Église. Celle-ci, bien qu’elle ait énormément accompagné la population en désarroi, a aussi tout fait pour les laisser dans l’ignorance en faisant croire qu’un châtiment s’était abattu sur le pays et sur les êtres maudits que nous étions. L’école de son côté a failli à sa mission de transmission du savoir et de l’Histoire. Et l’État n’en parlons même pas.

Il aura fallu ce drame pour prouver à tous l’état d’affaiblissement de nos institutions. L’on se souvient des premières images de l’ancien président René Préval complètement abasourdi essayant de saisir l’ampleur de cette catastrophe.

Notons que la situation de crise généralisée dont nous vivons aujourd’hui est en lien avec une série d’événement post-2010 dont nous devons retenir les plus marquants:  la gabegie de la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) pilotée par Bill Clinton et consorts, l’élection de Michel Joseph Martelly imposée par les États-Unis et le désordre quasi-meurtrier de certaines ONGs avec l’humanitaire pour couverture. 

Au milieu de ce drame, j’ai trouvé une profession

Très tôt après le séisme, comme j’étais à l’époque impliqué dans les activités d’un club d’enfants, j’ai été sollicité ainsi que d’autres jeunes de l’époque par Plan international, une ONG de la place, pour donner un appui psychosocial aux enfants et jeunes dans les zones les plus touchées.

Pour mener à bien nos interventions, nous avons reçu pas mal de formations. Lors de l’une d’entre elle, ma rencontre avec la psychologue Roseline Benjamin allait jouer un rôle de catalyseur dans le choix de mon métier trois ans plus tard. En effet, je me suis dit que je voulais faire comme elle : venir en aide aux gens rencontrant des difficultés psychologiques. Aussitôt terminées mes études classiques, je n’ai fait que suivre cette vocation.

Une décennie après, rien n’a changé

Avec l’élan de solidarité qu’il a eu tant au niveau local qu’international, beaucoup d’Haïtiens ont cru que le pays pouvait se sortir par le haut de ce moment de crise. Le pays se trouvait sous les feux des projecteurs et les promesses d’aides furent nombreuses. On se disait que le moment d’en finir avec toute cette misère était enfin arrivé. Cependant, quelques années plus tard, on s’est rendu compte de l’illusion dans laquelle on se baignait.

L’aide internationale s’est soldée par un échec cuisant et de plus nous n’avons pas pu en finir avec nos vieilles habitudes de mauvaise gouvernance et de corruption. L’absence du devoir de mémoire nous a rendus totalement amnésique. Les constructions anarchiques n’ont pas cessé mais au contraire se sont multipliées après le tremblement de terre au point que nous ne pouvons espérer que le pire désormais.


Le Prim’s Parolier en concert pour la première fois en Haïti

 

Pendant qu’à Abidjan se déroulait le festival Afropolitain, ici en Haïti nous avons reçu en concert le rappeur bantou après avoir attendu quinze ans pour rencontrer  son public haïtien. Youssoupha a été invité sur la terre de Dessalines dans le cadre de la commémoration du cinquième anniversaire de AyiboPost.

L’euphorie était à son comble pendant toute une semaine. Cela me rappel les nouvelles paires de chaussures à chaque rentrée scolaire. Elles étaient si présente dans ma tête au point où il m’arrivai même d’en rêver.

Ce vendredi 5 juillet 2019, j’ai vécu le concert de ma vie comme je l’ai posté sur mon statut Whatsapp. Je ne souffre absolument pas d’une maladie chronique en phase terminale ni n’est pas en prise d’un sentiment pessimiste face à l’avenir. C’est beaucoup plus que ça. Je n’avais jamais été autant lié intimement avec un artiste. Jamais. Je n’avais jamais autant souhaité vivre un concert . D’habitude, je n’aime pas le fanatisme. Trop de zèle abruti parfois. Pourtant, je n’ai jamais été aussi enthousiaste de rencontrer physiquement un artiste. Celui qui, désormais, est mon artiste préféré. Moi qui résiste souvent face à l’effet cathartique de la foule, j’ai vécu au bout d’un instant qu’a travers et par la foule. Cette foule n’était absolument pas composée des fortunés du pays , ce discours est tordu et méchant. Je ne compte pas  en dire plus.

Ça fait un instant depuis que mon blog est en hibernation, je ne me rappel même pas mon dernier billet. Depuis un certain temps, je suis plongé dans une réflexion académique sur l’exposition de soi sur internet. Les blogs sont des plateformes sur lesquels ce phénomène est énormément présent alors j’ai  pris du recule avec le mien pour essayer de mieux aborder la question. Mais, l’évènement que je viens de vivre avec Youss me pousse à partager l’émotion ressenti avec des mots et des images.

Les cinq ans de AyiboPost

Si le public de Youssapha a brisé cette longue attente d’une quinzaine d’année c’est en effet grâce à une équipe dynamique, compétente qui espère changer la donne dans le paysage médiatique haïtien.  AyiboPost est un jeune média en ligne qui a déjà conquis les coeurs de plusieurs milliers d’internautes. Non pas parce qu’il  cherche le buzz avec des sujets people mais parce qu’à travers ses contenues il cherche bien évidemment à informer mais aussi éduquer  et conscientiser. Ce n’est en ce sens pas un média qui semble alimenter l’infobésité comme on le constate ces derniers temps.  Ce concert organisé à l’occasion de leur cinquième anniversaire est, selon moi un pari gagné.

L’accueil

Youssoupha est arrivé le mardi 2 juillet à l’aéroport Toussaint Louverture où il a été reçu au salon diplomatique  par l’équipe de AyiboPost.

https://youtu.be/NGxeAsoSOnU

Sephora, membre de l’équipe organisatrice accompagne Youss.

A l’aéroport il a tenu une déclaration dont je vous propose un petit extrait.

Pendant le séjour

En prélude du concert le meilleur rappeur au monde n’a pas voulu rester cloîtrer entre les quatre murs dit-il. Il avait besoin de parcourir un peu les rues, rencontrer des gens… bref connaitre l’Haïti qui n’est pas présente dans  les médias étrangers. Celle qui veut se mettre debout et  prend des initiatives. Alors, il a entrepris une visite dans quelques quartiers populaires de Port-au-Prince pour rencontrer les jeunes de Bel Air et de cité soleil.

 

L’équipe de AyiboPost a organisé un barbecue avec quelques artistes haïtiens dans la résidence de l’artiste.  J’ai eu l’immense privilège de discuter un peu avec lui et son staff et en à profiter pour immortaliser ce moment avec des selfies.

 

Dj MYST, moi et Sephora

 

moi, Youss, Sephora et Phalonne.

Le concert

En plein milieu de foule j’ai essayé de capter quelque mini vidéo histoire de partager un peu l’ambiance qui y régnait.

 

 

 

 

je termine ce voyage de mots, de sons et de pixels par cette vidéo au lendemain du concert.

 


Saut-d’Eau, la ville-bonheur

Perchée à l’est du département du Centre de la république d’Haïti, Saut-d’Eau est une petite commune d’environ 35.000 habitants. Connue comme lieu de culte et touristique, elle accueille chaque année des milliers de pèlerins et de visiteurs venus du pays et de la diaspora. Saut-d’Eau est l’une des expressions les plus vivantes du syncrétisme religieux, où vodouisants et catholiques se confondent dans l’exaltation spirituelle.  A l’occasion de la fête patronale de la Vierge du Mont Carmel, la « Vierge des Miracles »,  je suis allé visiter ce lieu que l’on surnomme « la ville-bonheur ».

Le soleil battait son plein lorsque nous nous sommes embarqués dans un Suzuki 87, le petit chouchou de Françoise, l’amie qui nous a invités ma copine et moi. Nous avons mis le cap vers cette ville dont les histoires mystérieuses font penser aux îles au trésor. Françoise y va depuis plus de 25 ans. La circulation était fluide – Port-au-Prince s’est plutôt calmé depuis les dernières émeutes du 6 et 7 juillet. La ville reprend son allure compacte, mais on voyait toujours les restes des barricades enflammées, les vites des magasins brisées, pillées et incendiées. Il y avait aussi la peur qui transperçait certains visages. La population, on dirait, a trouvé une manière pour se faire entendre par le gouvernement.

Le trajet a duré environs 3 heures. On a fait un arrêt pour goûter aux  fritures des marchandes qui ornent le bord de la route. Aussitôt arrivés à la maison qui nous était réservée, un « Badji » (lieu sacré ou oratoire du houngan), nous avons déposé nos valises et sommes sortis explorer à pied la ville en pleine ébullition.

Direction, rivière La Terme

La circulation était d’une monstruosité festive, les rues bondées de gens et de bandes à pieds. Des foules dansaient au rythme des tambours et du tchatcha, des bambous et des trompettes, tous ces instruments qui donnent à notre musique une telle transcendance. La terre tremblait sous leurs pas de danse, laissant échapper de la poussière qui s’évaporait comme la fumée des usines.  Le soleil nous traquait toujours, il faisait une telle chaleur que seules les eaux de la rivière La Terme pouvait rafraîchir. L’eau fraiche de La Terme est aimée pour ses vertus thérapeutiques. Le long de ses berges dort l’argile vert connu pour ses nombreux bienfaits.

Flottant dans les eaux de la Terme. CP: Sephora Monteau

 

Moi et Sephora faisant un masque d’argile. C’est bon pour la peau.
CP: Françoise Ponticq

Vivez dans cette mini vidéo l’ambiance que donne une bande à pied ou Rara pour certains à la rivière

 

Des jeunes jouant au ballon dans la rivière. CP: Sephora Monteau

Après notre baignade, la journée n’était pas encore finie. On est sortis, cette fois à la rencontre de la vie nocturne d’un Saut-d’Eau surchauffé. Les piétons, les motards et les voitures se disputaient le passage à cause de l’étroitesse des rues. Au-dessus de nous, des gouttes de pluie commençaient à caresser nos visages enthousiasmés. Françoise nous a dit qu’il fallait absolument visiter le calvaire, l’église et « Nan Palm ». Le calvaire est un terrain rocailleux à ciel ouvert où sont représentées les quatorze stations de la passion du Christ, un chemin de croix. Sur chacune des croix ainsi que sur les roches, on voyait les pèlerins déposer leurs bougies en faisant leur prière. Au fond, quelques bancs placés sur les restes de ce qui a été une chapelle et une grande croix (calvaire), où est cloué seulement le buste de Jésus, la seule partie qui ait été épargnée par la catastrophe du 12 janvier.

L’église catholique se trouve à quelques cents mètres du calvaire . Une foule était massée à l’entrée rendant le passage difficile. Avec grand peine, nous avons réussi à atteindre l’église. Il n’y avait même pas de la place pour piquer une aiguille, les fidèles dansaient et chantaient des morceaux qui les mettaient dans une autre dimension psychologique, proche de la transe. Ici, ils oublient ne serait-ce que pour quelques instants les soucis de leur vie. C’est quelque part un refuge. Nous nous sommes ensuite dirigés vers « Nan Palm », là où, selon la croyance, la Vierge est apparue. C’est là aussi que les pèlerins dorment s’ils n’ont pas d’autres endroits pour se reposer. Nous avons rencontré des « houngan », ou « divinò » (devin) qui faisait leurs « leson » (prédire l’avenir) à qui le voulait.

En route vers le Saut, 45 minutes de marche

Le lendemain, juste après avoir bu notre café, nous nous sommes dirigés vers le saut, à 45 minutes de marche. C’était le jour où se tenait la finale de la Coupe du monde opposant l’équipe française et la Croatie. Je voulais suivre le match, supporter l’équipe Croate, mais ce n’était pas si évident que ça. Le long de la route, on a croisé des dizaines de pèlerins et de sociétés vaudoux qui venaient du Saut. Ils y vont principalement pour prendre des bains de chance et faire leurs incantations.

Des Pèlerins venant du Saut. CP: Peterson Antenor

 

Elles marchent tout en cantonnant des chansons. CP: Peterson Antenor

Le culte de l’eau 

L’ambiance dans ce sanctuaire naturel est à la fois frémissante et mythique. On sent le tressaillement de l’âme du croyant, on entend les complaintes et lamentations de ses femmes, hommes et enfants pour qui ce voyage est une quête de délivrance. Délivrance face à la misère devenue insupportable, délivrance face aux sécheresses : la terre ne veut plus donner à manger, délivrance face à la misère, l’angoisse et la peur. On voit des visages cherchant une lueur d’espoir dans les flammes de leurs bougies. L’eau ici est sacrée. Le bain est purificateur, il permet de se débarrasser des malchances et des malédictions. En jetant les habits portés lors du bain, un pèlerin nous a dit: on se débarrasse des « giyon » (malchances).

Autour du Saut, on remarque plein de personnes massées en petits groupes. On y voit les pèlerins, de nombreux Haïtiens vivants à l’étranger, des marchands ambulants et des gens qui sont venus en visite et prendre un bain. J’ai croisé deux étudiants en ethnologie de l’Université Laval qui faisaient une recherche sur le Saut. Ils m’ont pris comme sujet, je leur ai donné une petite entrevue. Certains en profitent pour faire de la magie, comme ce «houngan » qui faisait une cérémonie de noce. La femme concernée aurait reçu un sort d’une des maîtresses de son homme et un « houngan » devait procéder à ce mariage pour qu’elle guérisse.

Les gens prennent leur bain.
CP: Sephora Monteau

Des prêtresses vaudou aident les fidèles à faire leurs demandes avec des bougies.
CP: Sephora Monteau

Des pèlerins parlant à la Vierge des Miracles.
CP: Peterson Antenor

 

Moi et Françoise avant de prendre notre bain.
CP: Sephora Monteau

A bientôt!


Lors de certains Match de football, le centre-ville de Port-au-Prince est désert

Depuis trois semaines, un peu partout dans le monde, c’est l’effervescence à cause de la coupe du monde organisé par la Russie. Selon les estimations, 1 millions de supporteurs est attendu sur place et 1 milliard de téléspectateurs regarderont la finale.  A Port-au-Prince, comme un peu partout en Haïti, un grand public de fan est aussi au rendez-vous : la mobilisation est si grande que lors de certains matchs, certaines rues de la capitale sont pratiquement désertes.

 

Quoique la sélection haïtienne de football ne dispute pas cette phase finale de coupe du monde – cela fait exactement 44 ans depuis notre première et seule participation à un mondial -, beaucoup d’haïtiens restent des fans invétérés du football. Et ceci toute l’année. Mais la période de la Coupe du monde est l’occasion d’une mobilisation particulièrement importante : les médias sont très actifs et les publicités, nombreuses, plutôt rentables. C’est aussi l’occasion pour les hommes politiques de faire de la propagande en faisant toute sorte de dons (des écrans par exemples dans les quartiers populaires). Pour le gouvernement c’est un moment de répit, une grande diversion : tout le monde reste rivé devant sa télé et tourne le dos à la chose publique. Et c’est le moment idéal pour les manigances et malversations. On prévoit une hausse des prix de l’essence pour les jours à venir.En effet, à cause de l’annonce de la suspension des subventions par la MFI, le gouvernement prévoit très prochainement d’augmenter le prix du carburant.

 

Les haïtiens sont très branchés foot

Brésiliens, Argentins, Allemands, Français et autres sont autant de ces nationalités dont les haïtiens (ceux et celles qui sont fans biens sur) se réclament pour montrer quelle équipe ils soutiennent. Le Brésil et l’Argentine sont les deux équipes les plus aimées en Haïti. Les décors des rues et des maisons, l’engouement pour regarder les matchs qui opposent ces deux équipes à d’autres, les discussions après les matchs, les cris de joie qui font écho lors d’une victoire illustrent bien cet état de fait. Ici, on dit que nous avons le « football dans le sang » pourtant  on ne fait pas grande figure dans les grandes compétitions. Même au niveau de notre championnat national ce n’est pas la grande forme. Etre temps, les footeux s’amusent au mondial.

 

Un groupe d’Haïtiens scandent l’hymne nationale en hissant le drapeau Brésilien 

Le football ici est très branché, le fanatisme très présent aussi. Il suffit de faire défiler les notifications de Facebook pour voir comment la toile s’enflamme et ne parle quasiment plus que des matchs.  Dans certaines rues du capital lors de certains matchs les rues du centre-ville de Port-au-Prince sont pratiquement désertes. Vous vous demandez où sont les gens ? Alors avec notre camera nous sommes allés les trouver devant les écrans suivant la coupe du monde.

 


Les réseaux socionumériques sont-ils révélateurs de déficiences affectives et psychologiques ?

L’on ne se lasse pas après des heures à surfer sur les réseaux socionumériques, temps fugace qui s’évapore sous nos yeux telle une étoile filante dans un ciel sombre. Et le temps, on n’en a jamais assez ces temps-ci. On se plaint de la vitesse à laquelle il défile devant nous. Insaisissable. Peut-être ce n’est qu’une illusion obstinément persistante, dans ce cas Einstein a raison. A chaque instant on vérifie les notifications de nos Smartphones, on ne veut absolument rien manqué. Notre génération s’est fait appeler « digital native » ; c’est une génération hyper connectée.

Les derniers progrès technologiques ont mis à notre disposition le monde défilant sur l’écran que l’on tient dans sa main. La terre n’est donc plus supportée par les bras géant d’Hercule. Scotcher derrière mon Smartphone, je découvre le monde qui est désormais à ma portée, sans visa de séjour ni billet, je rentre par la porte du virtuel. Le virtuel est à la fois fascinant et dangereux. En observant la conduite de mes amis du web, j’arrive à me demande si ce que nous postons sur nos murs et nos commentaires ne révèlent pas d’autres facettes de notre état affectif et psychologique ?

Loin de moi l’idée de « pathologiser » certains comportements de mes amis, l’idée c’est de considérer le virtuel comme lieu de croisement et de construction des « nouveaux rapports de sociabilité». A partir des tweets, des publications de photos, vidéos et autres il est possible de déceler les dessous d’une communication beaucoup plus complexe.

L’engouffrement dans l’espace virtuel

L’essence de l’homme est d’être virtuel, parce qu’il ne peut se satisfaire de sa réalité passa- gère Philippe Quéau

Le virtuel titille nos fantasmes, nos imaginations et illusions de toutes sortes. C’est un lieu de prédilection pour l’assouvissement des désirs les plus farfelus, un réel latent en attente d’actualisation. Aussi, il est un espace de liberté où les contraintes réelles sont moins présentes. Bastion de la transgression. Peut-être c’est ce qui explique cette facilité que nous avons à entrer en relation virtuellement avec une personne en arrivant même à franchir de manière prompte certaines sphères jadis intime. La vie privée se retrouve violenter et l’espace publique envahit. La société hypermoderne voit dans le virtuel le lieu de tous les possibles, tout le monde s’y engouffre.

Les publications, les tweets, les statuts peuvent être révélateurs

L’usager des réseaux sociaux laissent derrière lui des traces parfois indélébiles. Une vieille photo qu’on a partagée, une prise de position sur un sujet enflammant, un commentaire posté avec colère peut être avéré préjudiciable. Autre part, on parle déjà du droit à l’oubli c’est-à-dire la possibilité d’effacer les contenus publiés devenus indésirables. Une mesure qui permet de protéger l’identité numérique de certains ados, un droit à l’erreur. Les réseaux sociaux sont le miroir d’un monde où les frontières deviennent de plus en plus floues, « l’individu connecté » est à la fois acteur et spectateur derrière son écran où défilent la joie et l’amour, la tristesse et la peur, les turpitudes et l’angoisse du monde.

En fait, un tweet, une photo, un article partagé n’est jamais insignifiant pour la personne. Certains comportements sur les réseaux sociaux peuvent susciter l’admiration, d’autres la répugnance mais aussi il en existe qui peuvent avérer alarmant. Combien de nos amis à travers leurs publications de photos, les messages de leurs statuts whatsapp nous renvoient des signaux de leur état émotionnel. On n’a pas besoin d’être psychologue pour sentir ce genre de chose et aller vers l’autre.

Le suicide de l’agronome le mois d’avril dernier témoigne le côté alarmant de quelques publications sur les réseaux socio-numériques, ils disaient dans un post sur Facebook qu’il ne pourra pas tenir beaucoup face à la souffrance que lui infligeait son cancer de prostate. Est-ce qu’il a été compris et pris en charge par son entourage ? Je ne sais pas, je ne leur mets pas en cause aussi, ce sont juste des questions. Qu’il repose en paix. Mais entre-temps, peut-être que nous pouvons accorder beaucoup plus d’importance à certains signes qui nous arrivent de l’espace virtuel.


J’aime ma fille, pourtant parfois j’ai envie de la tuer

Dans cette chronique de Psy-ambulante il est raconté l’histoire de Nadia, une jeune fille de 21 ans qui souffre de phobie d’impulsion après avoir mis au monde sa fille. Nadia est en proie à des idées intrusives provoquant des comportements compulsifs. Elle se retrouve parfois piégée entre le sentiment d’amour, le désir de protection pour sa fille et l’envie lui faire du mal allant jusqu’à ôter sa vie.

Seules les ailes de l’amour m’exultaient, elles m’emportaient au-delà de cette souffrance. Auprès de Rony, le temps s’arrête. J’oubliais tout. Les difficultés financières de ma mère, le fait de ne pas pouvoir fréquenter une université, mes besoins quotidiens, mon avenir… Il était pour moi cette figure paternelle, ce refuge face aux aléas de l’existence. Nos habitudes, les sourires, les regards complaisants, les mots doux et l’érotisme provoquèrent la passion. J’en étais devenue insatiable. Le sexe transcendait mon être, cette balade des sens me laissait à moitié abasourdie. Captivé par ce désir excessif on n’oubliait parfois de nous protéger. Et, je suis tombée enceinte.

Les mois éternels de ma vie                                                 

Ma grossesse était comme une malédiction à laquelle personne ne s’attendait. Ma mère et mes oncles ont consenti d’énormes sacrifices pour moi. J’ai eu une éducation de qualité en fréquentant les meilleures écoles de ma ville. Certains de mes camarades étaient des jeunes dépourvus d’aucun souci d’argent, les sentiers de leur avenir étaient ornés d’opportunités. Alors que moi, je manquais de tout. Cette nouvelle a éclaté ma famille. Ma mère était vue comme seule responsable aux yeux de mes oncles; ils disaient qu’elle me laissait faire ce que je voulais.

Le petit prenait de plus en plus d’espace à l’intérieur de moi. Il en voulait pour progresser dans son développement. Pourtant, je ne me sentais pas prête à l’accueillir ; j’avais comme objectif d’entrer à l’université pour me frayer un avenir meilleur. Mon entourage s’en est vite rendu compte, entre temps la nouvelle commençait à se propager, les ragots de toutes pièces étaient déclenchés, puis il y a eu le rejet. Pour mes oncles, je venais de gaspiller ma vie. Cloîtrée aux quatre murs, les larmes essayaient de me laver de cette boue. Il ne se passa un jour sans que j’aie pleuré en maudissant le petit. Je ne voulais avoir aucun contact avec l’extérieur alors je me suis repliée sur moi-même.

Rony était toujours là pour moi. Mais sa présence n’y pouvait plus rien. Nous étions face à une destinée incertaine, le futur nous faisait peur. Et le petit être ne faisait que grandir. Toutes les questions me venaient à l’esprit concernant sa venue au monde. Je savais aussitôt qu’elle naissait qu’elle aura la vie. Mais de quelle vie on parle ? C’est vrai, son père va se débrouiller pour qu’il puisse avoir le minimum. Mais on n’accueille pas un enfant avec seulement le minimum.

Prise entre l’amour et le désir de la tuer                                

Le moment où j’ai pris Nesha dans mes bras pour la première fois, un sentiment d’émerveillement et d’émoi m’emparait. Je me disais que je suis prête à confronter la vie avec elle. Après quelques semaines survint  mes tourments, je commençais à avoir peur de la prendre dans mes bras. Il m’était impossible de rester avec elle seule à la maison. Parfois j’avais envie de la prendre dans mes bras, la cajoler, caresser son doux visage, jouer avec elle, sentir son petit cœur battre contre ma poitrine. Par contre , je n’arrivais pas à la toucher. J’avais envie de la pendre, de l’étouffer. L’anxiété me saisissait lorsque je me tenais près d’un couteau. Il m’était impossible d’aller à la toilette de peur de la jeter dans la latrine. Toutes ces idées me faisaient penser que j’étais une meurtrière. Je me sentais coupable. Mon plus grand mal était de ne pas pouvoir en parler à quelqu’un, de peur qu’on ne me juge, de ne pas être comprise. Je pleurais chaque fois que j’étais prise de panique, je voulais retrouver ma vie normale, chasser ses idées de ma tête.

C’était alors un trouble psychologique

Ma mère a cru que c’était dû à un sort que quelqu’un m’avait jeté, elle me dit de recommencer d’aller à l’église. Je n’y croyais pas. J’ai donc consulté des moteurs de recherches sur internet en inscrivant les signes et symptômes. Je me suis retrouvée a travers les histoires lues sur les forums. Ses femmes avaient pratiquement les mêmes difficultés que moi. Elles parlaient de dépression post-partum, de phobie d’impulsion, d’anxiété et d’angoisse. J’ai approfondi les recherches, ainsi j’ai pu mettre un nom sur ma souffrance.

J’avais pris un peu de temps pour consulter un médecin généraliste dans ma ville, j’ai su par la suite que je devais voir un psychologue. Mais ici, il n’y a pas de clinique de psychologie. Même l’hôpital de la ville ne détient pas un service psychologique. Le médecin m’avait prescrit des anxiolytiques qui ont diminué les angoisses, mais les idées n’avaient pas totalement disparues. Les angoisses diminuaient une période de temps pour réapparaitre comme au point de départ lorsque je vivais une situation contrariante. Ce n’est pas une maladie due à la superstition comme maman pensait, mais c’était un trouble psychologique causé par les situations que j’ai vécues pendant ma grossesse. En ce moment, je suis en train de faire une thérapie, et je me sens mieux. Elle m’aide à m’exposer graduellement aux situations angoissantes avec ma fille. Je commence à ne plus penser à ses idées sordides, je ne suis pas une meurtrière, j’aime ma fille et je veux son bonheur.


Ma francophonie me permet de rester connecté avec l’Afrique

À travers les propos grivois que l’on s’échangeait lors de nos désaccords entre copains au cours de mon enfance en Haïti, s’inscrivent mes premiers liens tissés avec le mot « afriken ». On n’y faisait pas référence aux habitants du berceau de l’humanité. L’Afrique, cette partie du monde où une grande beauté humaine et des richesses naturelles et culturelles sont enchevêtrées avec une misère épouvantable. On appelait « afriken » celui dont la peau était la plus foncée et les cheveux les plus crépus, une « tèt grenn » comme on dit ici. L’Africain dans ce sens, est vu comme ce qui a de plus abject, l’expression caricaturale de la laideur, tel ce monstre à plusieurs têtes qui hantait nos cauchemars. Nos idées d’enfants nous portaient à croire en cette notion futile de « race » chez les humains. Cette pure invention de l’homme pour assouvir sa domination, installer une soi-disant hiérarchie ; la marque éternelle de la division entre les humains. Cela ne rendait pas le sourire aux lèvres à celui qui était traité d’« afriken », souvent l’affaire déborde et finit en bagarre. Ah, ces histoires d’enfants qui nous renvoient à cette époque où on croquait la vie à pleines dents !

Je suis entré en Afrique par la porte de la poésie

Bercé par le doux charme de la poésie, la sublimation fut le mécanisme de défense qui me permettait de canaliser les tensions de mon adolescence. L’énergie pulsionnelle était dirigée vers les études. Ainsi, je prenais un plaisir fou dans les livres. Un jour, un pote m’a prêté une anthologie de poésie, en voyageant entre ses pages, je suis tombé sur des textes d’auteurs Africains, parmi lesquels Bernard Dadié qui remercie son Dieu de l’avoir créé noir. Cette lecture réajusta le regard que je portais sur la question de couleur, celui que j’avais sur ma peau. Ces vers sont d’une telle éloquence et d’une magnanimité révoltante face au racisme séculier que subissent les noirs. Dès lors, j’ai cessé de demander à Dieu pourquoi donc suis-je nègre ? Si la prière du nègre avais moins de charme ? Donc, je me suis mis à le remercier aussi. J’ai cessé de nous voir comme étant les damnés de la terre.

La solidarité Africaine

On parle très peu des rapports solidaires existants entre nous et l’Afrique. Bien que l’Afrique soit assaillie par à peu près les mêmes problèmes que nous, il y a toujours eu un élan de générosité entre la Mère Patrie et nous. Après le tremblement de terre dévastateur du 12 janvier 2010, une grande partie de l’Afrique s’est mobilisée à nos côtés, ce fut un acte historique et symbolique. La Côte d’Ivoire a envoyé des secouristes et du matériel, la Sierra Leone, le Liberia, le Rwanda, le Tchad, le Bénin ont mobilisé des fonds pour nous venir en aide. Le Sénégal avait même proposé une région aux haïtiens qui voulaient s’installer là-bas.

Elle n’a pas été seulement collective, cette solidarité, un ami congolais m’a transféré personnellement de l’argent. Changer le franc CFA en dollars US pour traverser les océans a été pour moi un geste très touchant qui témoigne d’un fort humanisme. Cet acte fraternel m’a rapproché beaucoup plus de la terre de mes ancêtres. On ne s’est jamais rencontré physiquement, lui et moi ; nous nous sommes rencontrés sur un site internet où je publiais mes poèmes lorsque j’étais adolescent – entre la poésie et moi il y avait une profonde intimité – je ne me rappelle pas trop de quoi parlaient nos poésies, mais nos vers nous ont séduit mutuellement, puis on a gardé contact. Avec lui, j’ai su à quel point le virtuel pouvait créer des liens amicaux soudés. Un jour, peut-être, je lui donnerai une bonne poignée de main fraternelle.

Et il y a eu Mondoblog

Les statistiques me font un peu défaut, mais il est certain que la plateforme Mondoblog est composée majoritairement de blogueurs africains. Leurs articles de blog m’apprennent énormément sur ce qui passe sur le continent. Tiasy me rapporte par exemple qu’à Madagascar, la musique passe à l’auto piratage, ce qui est « devenu une solution pour de nombreux artistes qui n’ont pas les moyens de se payer – ou ne veulent pas se payer – le matraquage dans les médias ». En me faisant visiter son Congo à elle, Maryse Grari me fait penser un peu au Congo déchiré de mon ami Mokuba. La prochaine fois que j’irai sur son blog, je visiterai celui de sa mère. Le billet de Laackater vient d’affermir les soupçons que nous avions sur le rôle de la France dans l’assassinat de Thomas Sankara. Je suis particulièrement de près le web activiste Ousmane, pour lui, être blogueur est une question de partage et de passion plutôt qu’une affaire d’argent. Bref, tous les blogueurs africains contribuent à me donner cette présence, ne serait-ce que virtuelle, en Afrique.

L’Afrique est le point de départ, j’y fais référence non pas pour dire qu’ici n’est pas notre chez nous, mais pour camper l’Afrique comme repère temporel. Tout a commencé là-bas. Nous avons une grande proximité culturelle avec cette terre et le français comme outil linguistique participe énormément à cette connexion. Si le français, jadis, a été imposé par le colonisateur, il devient actuellement un instrument important pour véhiculer la culture française. Nous autres devons être des acteurs conscients de nos rapports communicationnels. Cette langue doit cesser d’être un outil d’aliénation et de clivage social. Elle peut être source de créativité, véhicule de savoir et de savoir-faire. C’est ainsi que je pense qu’une coopération afro-caribéenne serait enrichissante en mutualisant nos ressources et connaissances.


« Black November » ou les enjeux de l’exploitation des mines dans un pays convoité

Les larmes ne pouvaient s’estomper sous l’impulsion de ces images, ces lamentions et ces sanglots qui sont la toile de fond de ce film. Cette zone sensible que j’arrive souvent à ne pas mettre au jour a été âprement envahie. Un sentiment révoltant m’emparait sur le coup, je fus choqué. Pris dans le piège du scenario, les souvenirs de 12 years of a slave de Steven McQueen me venait à l’esprit, un des films qui provoque en moi un effet similaire. Tant de douleurs ressenties, de haines exprimées, de sangs coulés, bref tant de méchanceté, nous mettent face à des réalités consternantes. Ben je sais effectivement que c’est du CINEMA, mais cet art a cette façon typique d’organiser son langage pour nous captiver. Il nous met face à nous même tel un miroir social. L’histoire de Black November a pour moi une portée apocalyptique et de mise en garde pour la société haïtienne.

Que raconte ce film

Black November est une fiction basée sur un évènement réel, en novembre 1995 Ken Saro- Wiwa a été exécuté par pendaison pour son implication dans le MOSOP (Mouvement pour la survie du peuple Ogonie) un groupe qui luttait contre les abus commis par certaines compagnies sur les terres du peuple Ogoni. Dans cette histoire, la compagnie Shell a fait l’objet d’une plainte pour complicité qui s’est conclue avec le versement d’une somme de 15.5 millions de dollars. Le film est titré « Black November » en mémoire de cet évènement survenu en ce triste mois de nombre 1995.

Réalisé et produit par Jeta Amata, ce film met en vedette Mbong Amata dans le rôle de Ebiere Perema la militante qui défendait sa communauté ravagée par un gouvernement corrompu pour sauver les terres d’une destruction par des forages et des déversements de pétroles excessifs dans le Niger. Elle a été arrêtée puis condamnée à être pendue. En quête de justice, une organisation rebelle rentre aux Etats-Unis et kidnappe un baron du pétrole et exige que sa compagnie cesse l’exécution. En manipulant les medias, le Département d’Etat américain feint la libération Ebiere Perema alors qu’elle a été exécutée comme prévue. Dans ce long métrage de l’industrie du cinéma Nollywoodienne d’un grand pactole on aperçoit la présence des stars tels que : Akon, Wyclef Jean et les acteurs vedette Sarah Wayne, Kim Basinger, Mickey Rourke etc.

 

Une fuite dans les tuyaux qui provoquent l’envahissement du pétrole sur les terres cultivables

 

Ingérence et manœuvres corruptibles des compagnies

L’Etat Haïtien n’a pas la capacité technique, humaine et économique pour procéder à l’extraction de nos ressources minières, nous serons obligés de dealer avec les magnats de l’industrie minière , il y en a qui ont déjà injecté une grande quantité d’argent dans des forages. Même si l’on parvient à cacher les principaux rapports des études de prospection géophysique faites depuis la moitié du XXe siècle, il est un fait avéré qu’une bonne partie de la population soit au courant du fait que le fait que nos sous-sol regorgent de ressources naturelles. Il existe toute une machinerie mise en place pour détourner l’attention sur cette question, malgré le grand heurt crée par un groupe de sénateur de la 49eme législature pour faire obstacle aux désirs fervents du gouvernement Lamothe et de certaines entreprises pour modifier la législation sur les mines. Malheureusement on n’a pas constaté une agitation de cette question auprès de la population, elle est restée dans cet état léthargique dans lequel elle se plait si bien on dirait.

La plupart de ces puissantes compagnies sont prêtes à tout pour maximiser leurs profits, n’oublions pas qu’on parle d’un secteur qui génère des sommes d’argent importante, ils n’auront aucun gène à profiter de la faiblesse de nos institutions et de la cupidité de nos représentants comme nous le démontrent les scènes de ce film. Les mouvements civils seront étouffés par l’injection de beaucoup d’argents, les forces armées et policières commettront les pires des exactions sur la population. N’en parlons pas des conséquences écologiques, l’exploitation des mines n’est pas sans effet sur l’environnement et la santé des populations aux environs des sites, elle vient avec son caravane de malheur : pollutions des eaux, drainage d’acide, perte de la biodiversité, malformation génitale, infection cutanée etc.

Haïti est-il prêt pour l’exploitation ?

Ainsi formulée, cette question peut générer énormément de désaccord, certains vous diront quand est ce que Haïti va être prêt ? Ou d’autres argueront que si l’on se préoccupe à attendre d’être prêt, absolument rien ne se fera dans cet espace chaotique. Là-dessus, c’est tout un débat. Haïti n’a pas une très bonne expérience avec l’exploitation dans le passé, nous n’avons pas encore de grands chantiers d’exploitation mais des informations révèlent que dans certaines zones, des extractions se pratiquent d’une manière qui frôle le clandestin. Les ressources du pays ne doivent plus contribuer à enrichir illicitement des entreprises et des rapaces pendant que la majorité de la population sont en agonie. Sans des institutions fortes, des hommes responsables, l’exploitation sera un gâchis total. Elle ne fera qu’alimenter les conflits et renforcer les inégalités sociales. L’exploitation doit être dirigée par une éthique environnementale centrée sur la nature prenant compte les limites des ressources disponibles, les générations futures et l’impact sur la biodiversité.

Une prise sur l’exploitation de l’or en Haiti.
newsjunkiepost.com


Rency Inson appelle les congressistes de la 3e Chaire Anténor Firmin à une noble quête : la justice cognitive

A l’occasion de la troisième édition du Congrès universitaire baptisé « Chaire Anténor Firmin » organisée par la Faculté de Droit, des Sciences Economiques et de Gestion du Cap-Haitien autour du thème : « Université et Développement durable » les 18, 19 et 20 mai derniers, l’intervention du jeune Rency Inson Michel a attiré mon attention. J’ai jugé intéressant de vous faire part de quelques grands axes.

Cela m’arrive souvent de prendre un peu de recul pour me cloitrer dans un bulbe de spectateur de la longue marche de nos jeunes. Ces instants d’évasion me permettent de m’identifier à certains qui s’investissent pour une quelconque cause, et aussi parfois de m’en distancier des influences d’autres. Voir un jeune embrassé une vision et faire preuve d’une aussi grande ténacité me donne le sentiment de m’accrocher un peu plus, d’attacher mes ceintures car nous passons dans une zone de grande turbulence. Personne ne sait quand est ce que l’on va pouvoir s’en sortir, devrions nous croire en cette génération? Je suis plutôt du genre perplexe, mais cela ne veut pas dire que je ne devrais pas nourrir cette lueur d’espoir que l’on voit dans certains d’entre nous.

Porteur étendard du Réseau des Jeunes Bénévoles du Classique des Sciences sociales, (REJEBECSS), une association qui travaille en étroite collaboration avec les Classiques des Sciences Sociales pour rendre accessible sur internet des ouvrages de chercheurs haitiens aux profits des étudiants et chercheurs du monde, Rency a articulé ses réflexions autour de ce sujet : la justice cognitive, un concept essentiel pour théoriser le développement local d’Haïti. D’entrée de jeu, il a formulé une hypothèse de départ comme quoi « les chercheurs, étudiants, professeurs haïtiens confrontent à des difficultés qui les empêchent de déployer le plein potentiel de leurs talents intellectuels, de leurs savoirs, de leurs capacités de recherche scientifique pour les mettre au service du développement local de leur pays ». La SOHA[1] interprètent ces difficultés comme des injustices cognitives. Par injustice cognitive, l’intervenant se réfère par cette fracture qu’il y a entre les détenteurs des savoirs, entre les savoirs, entre les universités…

L’étudiant finissant en sociologie a dénombré cinq de ces injustices :

  1. Absence d’infrastructures et de politiques de recherche en Haïti (Il a fait le plaidoyer pour une politique Nationale de Recherche scientifique en Haïti)

 

  1. Faible littératie numérique (la littératie numérique désigne la capacité d’exploiter de manière optimale les possibilités d’un ordinateur et du web. Rency reprend l’idée de Guy Rocher selon laquelle, une université qui reste myope devant les brassages qui s’opèrent devant elle vit dans une Toure d’ivoire qui risque de s’écrouler sous ses pieds. Aussi, considérant que nous vivons l’ère de la révolution numérique, il invite à former nos universitaires à l’aune du numérique).

 

 

  1. Mépris des savoirs locaux ou de tout autre savoir qui se produit en dehors du cadre normatif de la science conventionnelle. (il plaide pour leur valorisation, leur diffusion et leur application)

 

  1. L’aliénation épistémique est profonde (il plaide pour l’instauration d’une épistémologie adaptée au contexte local)

 

 

  1. La Pédagogie de l’humiliation (la souffrance née des pratiques de la pédagogie de l’humiliation est grande et contibuer à bloquer le potentiel des jeunes étudiants du pays)

En gros, son exposé est un appel à une noble quête : la justice cognitive[2]. Un concept proposé en 2009 par Shiv Visvanathan et qui désigne la reconnaissance active de la pluralité des savoirs en science. Il se fonde sur :

  • la valorisation des savoirs locaux (la décolonisation épistémologique)
  • le libre accès numérique aux savoirs scientifiques et non-scientifiques
  • la prise en compte des savoirs des femmes, des jeunes et des groupes marginalisés
  • l’empowerment des chercheurs et chercheuses du Sud et de leurs savoirs
  • la prise en compte des préoccupations locales dans la recherche universitaire
  • la critique du positivisme hégémonique et de l’économie du savoir

 

[1] La SOHA (Science ouverte Haïti Afrique) est un projet de recherche qui a duré deux ans dont est issu Rency et d’autres jeunes Haïtiens et Africains, il s’est transformé maintenant en APSOHA (Association pour la Promotion de la Science Ouverte en Haïti et en Afrique Francophone.)

 

 

 

La salle de l’auditorium

La table des panélistes

 

Rency lors de son intervention


Ma bequille, ma vie…

C’est en parfaite complicité avec l’art qu’Eder Roméus a décidé de mener une plaidoirie en cette période hautement festive pour la ville de Jacmel. Il en a aussi profité pour remercier sa béquille pour toutes ses années de service. Depuis l’âge de trois ans suite à la fièvre polio il a perdu usage de ses membres inférieurs, sa béquille l’a accompagné depuis ses premiers pas. Pour la mettre dans une autre dimension, il a offert au public Jacmélien un vernissage organisé à l’Alliance Française du 28 au 1er mai sous le thème : ma béquille ma vie. Il nous parle un peu de sa vie et de l’exposition.

Lorsque, les yeux vers le ciel je n’arrive plus à voir scintiller mon étoile, l’art a toujours été ce refuge qui me sert de catalyseur. De très près la musique et la peinture m’ont côtoyé, nous sommes intimement liés. Le retentissement du tambour est là pour donner le tempo à mes jours, son bruit résonnant comme venu du lointain facilite la connexion avec mes origines. La peinture me permet de donner les couleurs qui manquent à ma vie. Avec mon pinceau ; je suis seul créateur, j’invente mon univers pour répandre mon énergie aux autres. Je leur donne la possibilité d’imaginer tout ce bouillonnement intérieur.

Lorsque l’on est paralysé des membres inférieurs depuis plus de trente ans dans une société qui ne laisse jamais passer l’occasion de se faire sentir marginalisé, l’intérieur est gangrené par le chagrin, la honte, la peur et d’espoirs perdus. Tout cela fait beaucoup de conflits internes, le fait de ne pas les exprimer peut être malencontreux. Malgré beaucoup d’effort de nombreuses instances en Haïti pour faciliter l’intégration des personnes en situation d’handicap, il existe toujours cette perception qui nous conçoit comme une vulgaire charge économique, sociale et émotionnelle.

J’ai passé toute ma vie à subir des humiliations partout où je me rends, souvent j’ai été obligé de supporter l’appellation de « kokobe » des gens qui, peut-être pas ne voulaient pas m’offenser. Parfois, il arrive qu’on dépose dans ma main quelques pièces pensant que je suis un mendiant. Vraiment, j’ai eu à subir et je subis toujours dans ce pays où l’intégration des personnes en situation d’handicap est encore un leurre. Ce qui est le plus blessant pour moi, c’est cette tendance à voir ma béquille comme un instrument de malédiction, de pitié et de marginalisation. Certains en font l’interdiction formelle, à des enfants majoritairement, de le toucher, de jouer avec, car c’est un outil porte-malheur. Pourtant, ce qu’il ignore c’est que cet outil est nécessaire à mon autonomie, avec son support je me déplace facilement pour vaquer à mes occupations. C’est ma béquille, ma vie. Nous tous, avons une béquille dans la vie, quelqu’un qui nous supporte dans l’adversité.

Présentation de quelques tableaux de l’exposition

 

Acrilic sur toile

 

 

 

 

 

Ces toiles sont un peu de la récupération, mais il n’a pas cherché les béquilles ailleurs. Elles sont quelques-unes qu’il a utilisées à un moment donner de sa vie. Il s’est inspiré des scènes musicales traditionnelles, quelques masques et sculptures africaines pour donner vie à ses béquilles.

 

Regards croisés

C’est une toile qui nous parle de la frustration sentimentale de l’artiste, elle concerne la façon dont il abordait les filles dans son plus jeune âge et son très peu de succès auprès d’elles. Beaucoup de personne ont du mal à accepter le fait qu’une personne en situation d’handicap jouit d’une relation sentimental saine, qui marche normalement comme toute autre personne. Certes, les personnes à mobilité réduite ont des difficultés pour entamer, construire et même pérenniser une relation sentimentale. Etant, une fanatique des culottes et des vagins à grande lèvres, il a associé toutes ses composantes à son œuvre. Ainsi, il espère faire croisé sur ce côté essentiel de son être.

 

 

 

C’est une représentation d’une femme enceinte, rappelant la mère d’Eder qui l’a beaucoup soutenu dans son existence. La défunte a été toujours près de lui lors de ses lamentations, elle est morte depuis des années mais il l’accompagne toujours dans ses réalisations.

Blocus du cerveau

Il montre dans ce tableau que les personnes qui vivent avec un handicap ne sont pas dépourvu totalement des capacités de leur cerveau. Plus d’un pense que leur problème vient du cerveau alors que c’est intact. Ce blocus, c’est eux même avec leur façon de se voir qui le produit avec surtout la façon dont leur environnement leur conçoit. Dans cette toile, on voit le cerveau lumineux avec ses nombreuses synapses qui montre l’activité cérébrale.

 

Eder Roméus travaille maintenant pour augmenter le nombre de tableau, il envisage de conquérir bien d’autre public avec cette exposition. Il envisage des institutions telle que la FOKAL, l’Institut Français de Port-au-Prince .