Haïti : nos enfants, notre avenir

Article : Haïti : nos enfants, notre avenir
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12 juin 2016

Haïti : nos enfants, notre avenir

Etre enfant en Haïti, c’est comme se trouver au fond d’un précipice et crier en vain à l’aide au moindre bruit. Le bon samaritain prend du temps pour apporter secours. Telle est ma façon caricaturale de présenter la situation des millions d’enfants Haïtiens. Ils ne sont pas épargnés de la pauvreté absolue dans laquelle patauge 78% de la population haïtienne. Estimé à environ 4.211.000 (selon un rapport de l’UNICEF) soit 44% de la population, les enfants font face à des problèmes tels que : la prostitution, la précarité, le phénomène d’enfant de rue, le trafic d’enfant vers les pays étrangers (notamment la république voisine), bref le non-respect strict de leurs droits fondamentaux. Il est urgent de trouver des solutions.

Malgré l’effort consenti, les divers organismes concernés (étatiques et non-gouvernementaux) n’arrivent pas toujours à mettre en œuvre les stratégies nécessaires pour améliorer la condition de vie de ces enfants qui vivent dans la pauvreté absolue (4 enfants sur 10). Pallier aux problèmes d’accès aux soins de santé, de logement, d’accès à l’eau potable etc. Selon le dernier rapport de l’UNICEF environ 380.000 enfants âgés de 6-11 ans ne fréquentent pas l’école, et 38% des enfants âgés de 7 à 18 ans n’ont jamais été à l’école. Ces données illustrent l’état d’urgence dans lequel est l’Etat haïtien, et pour éviter que cela n’empire il faut que l’Etat et ses différents partenaires décrètent l’état d’urgence.

Quant est ce que l’on est enfant et quelle est la conception haïtienne de l’enfance ? La convention relative aux droits de l’enfant stipule dans son article premier « un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plutôt en vertu de la législation qui lui est applicable ». Dans cet ordre d’idée, l’enfant est vu comme un être vulnérable qui a besoin d’une protection particulière et donc, de droits particuliers propre à lui. Mais la conception haïtienne de l’enfant est contraire aux principes élaborés dans cette convention dont Haïti est pourtant l’un des Etats parties. Nous ne sommes pas encore imprégnés du « sentiment de l’enfance ». A travers nos pratiques et nos représentations, l’enfant est vu comme le fruit d’un investissement à long terme, une sorte de béquille quand les parents ne peuvent plus se prendre en charge « timoun se byen malerèz ». Ou plutôt comme étant un animal « timoun se ti bèt », c’est-à-dire qu’ils ne détiennent pas la capacité de raisonner par eux mêmes pour prendre conscience de leurs actes et pour participer aux décisions qui les concerne. Le titre ‘’Nos enfants, notre avenir’’ est un clin d’oeil à l’assertion de Freud « l’enfant est le père de l’homme ». Autrement dit, les enfants d’aujourd’hui sont les hommes de demain, donc il faut réellement prendre en compte leur développement psychosocial pour qu’ils développent leur pleine potentialité.
Je vais faire en sorte tout au long de ce texte de proposer des idées qui pourraient déboucher sur des pistes de solution à la situation des enfants en Haïti.

Vers le renforcement de la capacité des institutions et services de protection de l’enfant

L’organisme responsable des politiques publiques de l’Etat en matière de protection de l’enfant, l’Institution du Bien Etre Social et de Recherche (IBESR), n’a pas les moyens nécessaires pour prendre en charge cette catégorie sociale. A en croire les responsables, moins de 10% du budget de la république est alloué à l’enfance, ce qui s’avère être très peu compte tenu du nombre d’interventions que leur situation requiert. L‘IBESR doit absolument élargir son domaine d’intervention afin de jouer pleinement son rôle de garant des droits de l’enfant.

Ainsi, il pourrait par exemple agir pour réguler les orphelinats qui pullulent dans le pays et veiller à ce que les adoptions soient effectuées en respectant le processus adéquat en matière juridique. La promotion des droits de l’enfant doit s’étendre sur tout le territoire, et pour ce faire l’institut doit avoir les moyens nécessaires. Etant donné que « la justice sans la force est impuissante », cette démarche s’inscrirait d’un commun accord avec la Brigade pour la Protection des Mineurs (BPM). Mais pour se faire, ce corps spécialisé de la police nationale doit se renforcer (en effectif et aussi en matériel).

Changer la condition de vie des familles

La famille c’est l’espace idéal qui favorise le bien-être et le développement de l’enfant, c’est son lieu d’épanouissement naturel, c’est pourquoi la convention relative aux droits de l’enfant exige qu’aucun enfant ne soit séparé de ses parents (sauf en cas de décision des autorités judiciaires). Comment parler de bien être si les familles souffrent de chômage longue durée ? Comment penser au développement intégral de l’enfant si 53% des ménages sont déchirés et dirigés par des femmes seules dans l’ensemble du pays ? La pauvreté, l’absence d’initiative des autorités sont les facteurs déterminant du déchirement du lien familial. Livrés à elles mêmes, certaines familles, notamment les nombreuses familles monoparentales, se trouvent dans l’incapacité de subvenir aux besoins de leurs enfants. Une des conséquences évidentes : elles perdent l’autorité qu’elles devraient exercer sur eux. Le chômage de longue durée détruit les liens humains et familiaux, il faut donc que l’Etat haïtien crée plus d’emplois à travers des investissements publics, privés et étrangers, cela doit être sa priorité absolue. Ensuite l’Etat devrait mettre en œuvre la construction de logements sociaux adéquats. Aussi, des campagnes pour la promotion de la famille et la préservation des valeurs familiales s’avèrent nécessaires pour le plein épanouissement des enfants.

L’éducation gratuite et obligatoire, une réalité

L’enfant, pour mieux s’imprégner des valeurs de la société, a besoin d’être éduqué, un processus qui commence dès son premier cercle de socialisation qui est la famille. Après, en devenant plus apte à l’apprentissage et à la reflexion, c’est le chemin de l’école qu’il empruntera. La Constitution haïtienne, dans les articles 32-1 32-3, déclare que l’éducation primaire est gratuite et obligatoire. Il est en temps d’en faire une réalité. Tout d’abord, il est nécessaire de construire plus d’infrastructures scolaires à travers le pays, ensuite il faut participer à la formation des maîtres. Une politique efficace en matière d’éducation ne doit pas se résumer à construire des locaux éparses sans réelle structure organisée ni cadres formés et donc compétents. La construction des écoles doit être pensée en fonction des différentes zones géographiques du pays afin de réduire les inégalités, il est nécessaire de réduire le fossé entre le nombre d’enfants non scolarisés dans les communautés rurales et les enfants scolarisés dans les villes grâce à la proximité et donc à l’accès aux écoles.

Lutter contre le trafic d’enfant, la domesticité et la prostitution de l’enfant

L’enfant haïtien ne se heurte pas seulement à une vie précaire, aux incessants problèmes familiaux et à la défaillance de notre système éducatif. Les enfants sont aussi confrontés au trafic d’enfant, à la domesticité et à la prostitution. Face à cet état d’alerte, il nous faut mettre la force publique en mouvement. L’assemblée nationale a un rôle déterminant à jouer pour la ratification des différents traités et conventions en faveur des enfants. Il en reste quelques-uns dans les tiroirs…  La justice et les forces de l’ordre doivent s’occuper du contrôle de nos frontières pour empêcher le trafic d’enfant. Des brigades ou patrouilles policières doivent surveiller les boîtes de nuit et les coins de rues réputés pour la prolifération de la prostitution enfantine.

En somme, procéder à l’amélioration des conditions de vie des enfants en Haïti demande de formuler des stratégies conjointes entre L’Etat et divers autres secteurs. Les enfants méritent d’être au centre du débat autour de la construction de cette nouvelle société. Les connaissances sur leur développement doivent être vulgarisées et diffusées avec des campagnes de sensibilisation qui prendraient en compte plusieurs axes, particulièrement celui du planning familial. En effet, pour qu’un enfant soit accueilli dans les meilleures conditions pour son futur développement, les couples doivent instaurer un nouveau comportement : avoir un enfant devrait être un acte réfléchi et planifié.

Peterson Anténor

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