La mer et moi : un vif paradoxe

Article : La mer et moi : un vif paradoxe
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23 juillet 2016

La mer et moi : un vif paradoxe

De loin, l’horizon se dessine dans cette confluence bleutée. Mer et ciel se confondent. En s’approchant, on constate le tour perceptif que nous joue la vision avec la complaisance de cette magie naturelle. Au creux de ses abysses, la vie se conserve. Et se perd aussi.

Cette immense étendue d’eau salée qui nous entoure de partout m’a toujours intrigué depuis l’enfance. Je n’ai jamais compris comment elle pouvait être si vaste et salée à la fois. J’ai beau croire à des histoires venues çà et là, différentes les unes des autres, les unes contredisant les autres. Mais tous nourrissant mon imagination.

Je suis né dans une ville côtière, cohabitant avec la mer. Les souvenirs me viennent encore de l’époque où la mer vrombissait au petit matin et aussi chaque après-midi sous l’effet de la cadence naturelle. Depuis quelques années, ce chant naturel s’est estompé sans qu’on sache trop pourquoi. Comme beaucoup de choses d’ailleurs qui ont changé dans cette ville. Jacmel n’est plus la même.

Enfant, se baigner à la mer était notre grand interdit. La plupart des parents haïtiens adoptaient ce point de vue. C’était pour notre protection bien sûr, d’ailleurs eux-mêmes ne savaient pas nager. Je me demande toujours d’où vient cette peur bleue de la mer ? Peut-être, comme disent certains, que c’est à cause de la longue traversée venue de l’île de Gorée ? Qui sait. D’un autre point de vue, c’est peut-être lié à la présence de « mèt agwe », divinité qui règne sur la mer dans la croyance vaudou ?

La mer et moi, nous avons une histoire mitigée : entre bonheur et tristesse, désir et folie, émerveillement et désespoir. Comment oublier ces promenades du bord de mer les après-midis, les mensonges que nous fomentions pour nous réfugier dans les profondeurs des eaux du Wharf touristique de Jacmel, l’accueil ardent des plages lors de nos journées entre amies, les poissons boucanés, la bière, le sexe, etc., les voyages d’été en famille sur les petites embarcations à Belle-Anse pour nos vacances ?

Et un jour, que dis-je, dans le silence de cette nuit du 3 mars 2001, il y a eu ce naufrage. Ma mère et ma sœur s’y trouvaient à bord. Leurs corps entrelacés ont été aperçus flottants, voguant comme une frégate abasourdie. Sans vie. Emportés vers l’horizon. On ne les a plus revus. Et depuis, face à la mer, j’ai cette sensation ambivalente. Parfois, j’ai envie de la maudire avec toutes ses vies donneuses de mort. Pourtant, près d’elle, accompagné du silence et de la caresse d’une brise, je sens leur présence. A chaque fois que les vagues viennent se perdre sur le rivage, c’est comme si je recevais un message de leur part que je devais interpréter. Voilà mon paradoxe.

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Commentaires

Stéphanie Adrien
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Tres interessant.Ton texte me donne l'envie de visiter à nouveau ta ville natale. Quant à ce souvenir qui te blesse autant,je partage ta peine .

Peterson Antenor
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Merci pour ta sympathie Steph. Jacmel et ses mers sont toujours prêts à t'accueillir. Mettre ses souvenirs qui nous hantent à nu peut être d’un grand bénéfice.

Hervia Dorsainville
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waw!!! puissant ton texte!!! je ne savais pour ta mère et ta soeur! je suis tellement désolée. Et ça m'a fait réfléchir lorsque tu dis être élevé dans une ville côtière et ne pas savoir nager. J'ai grandi et je vis à peine 10-20 kilomètres de la mer. Je n'y suis jamais allée près de chez moi. Et je ne sais pas nager, pourtant je vis sur une île. Une presqu'île enfin si l'on prend en compte la République Dominicaine avec qui Haïti partage l'île. C'est surprenant! Et, encore désolée pour ta soeur et ta mère.

Peterson Antenor
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Merci beaucoup d'apprecier Via. Pour ma mere et ma soeur, j'essaie de vivre avec...

ShellowThebrightest
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Comment passer et ne rien laisser après avoir lu un si beau texte?? Toutes mes félicitations pour ton écrit. Désolé pour les membres de ta famille périrent dans ce drame...écris toujours, écris lorsque tu te souviens d'elles, et ça te fera rester plus près d'elles...! Courage...!

Peterson Antenor
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Merci bien Shellow. j'ecris donc j'existe...

Soucaneau Gabriel
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Très beau texte mon cher ami. J’apprécie la fluidité de ton écriture. Merci d'avoir partagé avec nous ce souvenir aussi pénible soit-il. Continue à écrire, à épancher ton cœur. L'écriture est une grande thérapie.

Peterson Antenor
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Merci Soucaneau mon pote. C'est un moyen de m'exterioriser un peu en effet. Je continuerai...

Sénateur COQUILLON
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C'est tres emouvant ton texte collègue. Désolé pour ta maman et ta sœur. Continues ainsi, elles seraient fieres de toi. Et je pense qu'elles le sont là où elles sont.

Peterson Antenor
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Merci collègue, je faia bxp d'efforts pour réaliser ses rêves.

Niquez Jimmitry
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Je crois que c'est à Belle-Anse que ta maman et ta soeur voulaient aller si je m'en souviens bien. On était en 3ieme année au C.A.P quand Monsieur Bourcier venait nous annoncer la nouvelle. Cela m'a attristé énormément et aujourd'hui encore je le suis... J'imaginais si c'était ma mère que j'avais perdu à cet age comment aurais-je réagi? Et pourtant quelques années plus tard, je l'avais perdu, ses yeux alors ne me quitta plus jamais. Son dernier souffle! Son dernier soupir! Ce long silence qui la tue a jamais, c'était dans mon lit, allongé derrière elle que je l'avais vécue. Souhaitant que ce jour n'arriverait jamais, et pourtant le 3 juin 2012 hellas! Il fût. Avec tout le regret du monde je maudit ce jour. Je suis tombé haut mais j'aimerais pas tomber plus bat. Mais ce qui est fait est fait. Vivre avec ce sera toujours difficile.

Je me souviens petit qu'on était bon ami, quand j'allais chez toi et qu'elle était accropit tout pres des sacs de charbons ... je m'en souviens comme si c'était hier...

Niquez Jimmitry
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Je crois que c'est à Belle-Anse que ta maman et ta soeur voulaient aller si je m'en souviens bien. On était en 3ieme année au C.A.P quand Monsieur Bourcier venait nous annoncer la nouvelle. Cela m'a attristé énormément et aujourd'hui encore je le suis... J'imaginais si c'était ma mère que j'avais perdu à cet age comment aurais-je réagi? Et pourtant quelques années plus tard, je l'avais perdu, ses yeux alors ne me quitta plus jamais. Son dernier souffle! Son dernier soupir! Ce long silence qui la tue a jamais, c'était dans mon lit, allongé derrière elle que je l'avais vécue. Souhaitant que ce jour n'arriverait jamais, et pourtant le 3 juin 2012 hellas! Il fût. Avec tout le regret du monde je maudit ce jour. Je dit toujours, je suis tombé haut mais j'aimerais pas tomber plus bat. Mais ce qui est fait est fait. Vivre avec ce sera toujours difficile.

Je me souviens petit qu'on était bon ami, quand j'allais chez toi et qu'elle était accropit tout pres des sacs de charbons ... je m'en souviens comme si c'était hier...

Peterson Antenor
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Ben oui, je me souviens de ses instants Jimitry. Que le temps passe vite. Je suis désolé pour ta mère, elle était vraiment gentille. Courage frère.

Nathanael LERINE
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Bon bagay !

Je lis ton histoire. J'ai au moins une idee de cette personne merveilleuse et profonde que tu es.

Peterson Antenor
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Nos histoires font de nous qui nous sommes. Merci maitre Lerine mon pote.

Jude Pierre
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Parfois la violence du manque de certaines personnes dans notre vie nous pousse anxieusement ou nostalgique-ment à vouloir nous libérer de leur mémoire, quoique nous disions. Déjà 16ans, et tu racontes l'histoire avec une émotion telle, comme si cela s'est passé hier. Parlant de paradoxe, en voilà un autre. Mais sincèrement cher camarade, tu n'as qu'à continuer tes efforts pour vivre avec cela, car la place qu'elles ont pris dans ton cœur, tu n'as pas décidé de la leur donner. Elles te sont chères. En passant, j'aimerais avoir cette écriture fluide dont tu fais de ta plume une oeuvre mélancolique.

Peterson Antenor
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Je fais de mon mieux pour avancer dans mon projet d'écriture camarade, merci bien. J'ai bcp de passion. Je crois que ça m'aide bcp.

Jefferson
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Je suis très emu en lisant ton texte et je suis désolé pour ta famille qui était malchanceux cette nuit. En tant que Belle-ansois je me souviens de mes voyages pour les vacances et ça me plaisait beaucoup d'être assis sur le bord du bateau pour comtempler la mer et regarder les vagues frappées le bateau.

Peterson Antenor
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Ça a été un triste moment pour Belle Anse.

Madley Sk.
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Félicitations Peterson ! J'ai commencé à aimer le texte jusqu'à ce que je tombe sur le dernier paragraphe. Et là je suis devenu perplexe ne sachant quoi dire de cette triste réalité. Ça, je ne l’ai pas vu venir mon ami. Du courage... !

Peterson Antenor
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Merci Mad, je tiens bon.

Sephora
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FÒS

Peterson Antenor
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Merci. Je reste debout!