Les réseaux sociaux favorisent-ils la domination de l’automatisme sur la pensée reflexive?
C’est extraordinaire de voir à quel point le monde a évolué en matière de communication. Finit le temps des télégrammes, des messages de bouche à l’oreille, des « kout lanbi » pour faire passer un message à distance. Tout cela, grâce au développement des Technologies de l’Information et de la Communication (TICS). Il est question maintenant d’échanger des messages/photos/mails sur Facebook, Twitter, Whatsapp, etc.
Ces outils ont complètement modifié notre comportement vis-à-vis de l’autre, on a tendance à se sentir plus connecté en vivant ensemble nos quotidiens. C’est de nos jours courant de voir une personne nourrir une relation amoureuse ou amicale avec quelqu’un se trouvant à l’autre bout de monde. En un laps de temps, on peut partager des moments immortalisés par un selfie avec la personne de son choix via le téléphone portable. Les informations aussi circulent à une très grande vitesse, nous n’avons pas besoin d’être accrochés à notre poste de radio ou même attendre la venue du facteur pour nous apporter les journaux ; tout se fait par Internet.
Ces réseaux sociaux influencent nos comportements observables, le téléphone n’est plus cet outil nous permettant de dire Allô au bout du fil, avec les nouveaux gadgets l’accès nous est donné à de nombreux services. D’où, l’une des causes de leur prolifération. Je me permets de poser la question de savoir si leur utilisation ne modifie pas aussi notre processus cognitifs qui tend à traiter les informations que nous assimilons ?
Ralentissement de l’inhibition
L’observation et l’auto-observation des effets dus, au fait que nous conversons constamment sur les réseaux sociaux m’amène à procéder à des remarques qui sont sujettes à des approfondissements. WhatsApp ou encore Facebook, Snap Chat ; en bref toute la famille favorise le ralentissement voire le blocage de l’inhibition. Ce dernier est un mécanisme cognitif qui, selon Olivier Houdé, sert de relais entre les systèmes heuristique et algorithmique. Ses recherches visent à proposer l’apprentissage de l’inhibition pour éviter les erreurs et les automatismes. Le constat flagrant que j’arrive à faire, c’est la domination de l’automatisme sur la pensée réflexive dans nos échanges sur les réseaux sociaux.
La rapidité et la facilité avec laquelle les messages sont expédiés, la sensation d’être plus proche, la tendance libertaire de mettre à jour des désirs et impulsions enfouis, l’impatiente attente des réponses venant des personnes avec lesquelles nous conversons, le fait d’être confortable derrière son clavier crée l’envie de tout se permettre. Ces éléments font que parfois nous sommes dominés par l’automatisme. Ce qui tend à déranger nos conversations et les rend tachées d’un désintérêt apparent.
L’enjeu
Cet automatisme favorisé par les réseaux sociaux peut avoir des incidences notables dans les rapports et les valeurs qui nous lient, principalement les limites que nous nous établissons. Cependant, celle qui est la plus alarmante c’est le risque de permettre à l’idiotie et l’irrévérence de prendre le dessus dans nos échanges.
L’importance de l’inhibition derrière le clavier
L’inhibition nous permet de passer d’un mode de traitement cognitif marqué par la spontanéité, les impulsions automatiques qui dirigent notre pensée à un mode logique et rationnel. Celle-ci nous élève à la dimension de l’intelligence humaine qui selon le psychologue Houdé, consiste à apprendre à résister, c’est-à-dire à inhiber le système des automatismes pour activer celui de la logique.L’inhibition derrière notre clavier de téléphone nous permettra de converser (chat) tout en conservant la dominance de la logique sur notre discours pour ne pas laisser aux automatismes de prendre le dessus. Aussi, elle facilitera d’être attentif, de communiquer réellement afin d’éviter d’être totalement absent tout en écrivant.
Peterson Anténor
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